Ce sera probablement une surprise pour certains qu’avec une inflation qui dépasse 9 % aux Etats-Unis, le US dollar soit considéré comme «fort». Mais comme on peut le voir dans le schéma ci-après, le dollar a atteint son plus haut niveau depuis vingt ans
L’actif financier le plus important du monde !
Depuis l’accord Bretton Woods en 1944, le dollar a été l’actif financier le plus important du monde. L’accord Bretton Woods a été conclu vers la fin de la seconde guerre mondiale, quand les délégués de 44 pays alliés se sont rencontrés à Bretton Woods, New Hampshire. La délégation a décidé que les monnaies du monde ne seraient plus liées directement à l’or. Cela impliquait trop de restrictions pour la politique monétaire. Au lieu de cela, ils ont décidé de rattacher les monnaies au dollar américain, bien qu’à cette époque le USD était également lié à l’or.
Actuellement, 85 % de toutes les transactions de devises étrangères se font avec des USD, plus significatif encore, environ la moitié des dettes transnationales et internationales sont en USD. Puisque le dollar est utilisé pour ces transactions, une force relative du USD impacte grandement les autres pays.
Exemple :
Admettons que le taux de conversion est de 1,5 entre le dollar et l’euro, autrement dit, 1,5 $ vaut 1 €, tout était normal en 2006, avec ce cours, une dette d’un milliard de dollars serait l’équivalent d’environ 666 millions d’euros. Mais avec le dollar et l’euro à parité, la même dette en dollars n’est plus l’équivalent de 666 millions, mais d’un milliard d’euros. En renforçant le dollar américain, la dette a concrètement été augmentée de centaines de millions d’euros.
Pourquoi un dollar fort pose des problèmes ?
En réalité, la plupart des politiciens, journalistes et même experts financiers ne comprennent pas totalement comment le système des devises fonctionne.
Un dollar fort provoque de l’inflation dans le reste du monde, le dollar est impliqué dans près de 90 % de toutes les transactions de devises étrangères. Environ 40 % de toutes les transactions commerciales internationales sont facturées en dollars, un chiffre considérable sachant que les Etats-Unis ne sont concernés que dans 10 % des transactions commerciales mondialement. La domination du dollar signifie qu’il a un rôle démesuré dans le commerce mondial. Un article récent du National Bureau of Economic Research (NBER) a établi qu’une augmentation de 10 % du dollar conduit à un recul de 6 à 8 % du commerce mondial dans les pays du reste du monde. Cela parait surprenant mais tombe sous le sens si l’on sait que le cours de presque toutes les matières premières, du pétrole au maïs en passant par le cuivre, est en dollars.
Autre exemple :
Avec un baril de pétrole a un prix fixe de 100 $. Il y a un an, l’euro valait 1,20 $. A cette époque, l’Allemagne payait environ 83 € par baril de pétrole. Mais maintenant le dollar s’est renforcé et l’euro se négocie à parité. Un dollar vaut maintenant donc un euro. L’Allemagne devra par conséquent payer 100 € pour un baril de pétrole. C’est ainsi qu’un dollar fort provoque de l’inflation dans le reste du monde. A mesure que les prix des marchandises augmentent cette année, les autres pays voient les prix augmenter plus rapidement qu’aux Etats-Unis. Cela veut dire que les entreprises européennes auront des marges bénéficiaires plus petites et que les citoyens auront moins de revenu discrétionnaire, car ils paient plus pour les marchandises et l’énergie.
Cette dynamique est en train d’accélérer la crise énergétique en Europe en ce moment. L’Allemagne est dans une situation particulièrement critique. Les prix de l’énergie ont été multipliés par 5 depuis un an. Il y a une réelle possibilité que beaucoup d’usines allemandes devront fermer leurs portes à cause des coûts énergétiques galopants. C'est déjà le cas pour certaines petites entreprises.
l’histoire nous enseigne qu’un dollar fort n’est pas simplement un inconvénient. Il a été à l’origine de plusieurs crises financières au cours des dernières décennies. Il n’y a qu’un moyen d’éviter ce genre de crise : affaiblir le dollar Américain.
Une nouvelle crise financière se prépare.
Il y a déjà un premier pays en défaut de paiement pour sa dette. Au mois de mai, le Sri Lanka a déclaré que le pays ne serait pas en mesure d’honorer sa dette de 50 milliards en dollars. La Russie est également en défaut de paiement sur sa dette en dollars. Le défaut de paiement de la Russie s’explique par différentes raisons. Après l’invasion de l’Ukraine, ce pays a été déconnecté du réseau de paiement SWIFT et expulsé du système financier international. La Russie aurait facilement pu payer ses dettes, car les revenus du pétrole et du gaz ont augmenté depuis l’invasion, mais le pays n’était pas en mesure de traiter les transactions. Si le dollar continue de monter, il y aura d’autres pays en défaut de paiement. Il y a 52 autres pays qui sont considérés comme financièrement vulnérables. Il faut agir avant que la situation ne dérape et cette fois-ci, les plus grands pays du monde doivent agir plus rapidement. Les niveaux de dette actuels surpassent les niveaux élevés des années 1980 et 1990. En 1980, la dette mondiale était de 425 milliards de dollars. A l’heure de la crise financière asiatique en 1997, ce montant avait grimpé à 3 000 milliards. Mais depuis 2021, on estime la dette mondiale à 30’300 milliards de dollars. La dette mondiale par rapport au PIB est passée de 38% en 1980 à 250% en 2021.
Les répercussions de cette accumulation de dettes pourraient disloquer le système financier mondial. Ce serait un effondrement plus important que ce qu’on a vu durant la crise financière de 2007-2009. Les dominos ont déjà commencé à tomber et les autorités financières doivent agir immédiatement afin de faire descendre la valeur du dollar.
Cependant, avant de paniquer et de liquider nos portefeuilles en toute hâte, je précise que je ne pense pas qu’une telle crise aura lieu. La raison en est simple, la Réserve Fédérale et les autres principales banques centrales interviendront. On perçois déjà les premières mesures. L’implémentation d’un scénario pour un dollar plus faible n’est qu’une question de temps. Jeff Brown
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